Ventes sur le marché secondaire 101

Blake, Cassels & Graydon LLP
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Lorsqu’un travailleur spécialisé en technologie se joint à une société en démarrage, un marché intervient habituellement entre eux, aux termes duquel l’employé accepte de toucher un salaire réduit en échange d’une participation dans les capitaux propres de la société. Ce genre de marché est essentiel au succès des sociétés financées au moyen de capital de risque. Il permet à ces sociétés de conserver d’importantes trésoreries qu’elles pourront affecter à leur croissance, tandis que l’employé sera récompensé lors d’une éventuelle opération de sortie (comme un premier appel public à l’épargne ou la vente de la société) – généralement en exerçant des options qui lui auront été octroyées antérieurement et qui lui permettront d’acheter des actions à un prix correspondant à une fraction de leur valeur à ce moment-là et, du même coup, de participer à l’opération de sortie en tant qu’actionnaire.

Il peut toutefois s’écouler beaucoup de temps avant que la société réalise une opération de sortie. Les sociétés semblent miser de plus en plus sur une croissance importante de leur capital privé comme solution de rechange à la recherche de financement sur les marchés publics, de sorte que, en moyenne, les sociétés restent fermées plus longtemps (en moyenne, deux fois plus longtemps qu’en 2000). Lorsqu’une société reste fermée, les fondateurs et les employés de celle-ci peuvent détenir un actif précieux, certes, mais non liquide et possiblement volatil. On peut donc raisonnablement s’attendre à ce qu’à un moment donné alors que la société est toujours fermée, ces personnes veuillent réaliser une partie de la valeur du succès de la société et diversifier leur portefeuille de placements.

Ventes secondaires

Les ventes secondaires parrainées par la société (ci-après, appelées simplement « ventes secondaires ») peuvent alors apporter une solution à ce problème de liquidité. Dans le cadre d’une vente secondaire, un actionnaire existant (habituellement un fondateur, un employé ou un premier investisseur) vend ses actions directement à des investisseurs. Cette procédure diffère d’un cycle de financement classique, comme un premier appel public à l’épargne ou un placement d’actions nouvellement émises, dans le cadre duquel une société offre de nouvelles actions (en règle générale, d’une nouvelle série ou catégorie) aux investisseurs. Il est important que toutes les parties à une vente secondaire comprennent que la société ne reçoit pas de paiement pour les actions achetées par un nouvel investisseur dans le cadre de l’opération, ce sont les actionnaires vendeurs qui reçoivent le paiement.

Il convient par ailleurs de souligner qu’il est difficile d’effectuer une vente secondaire autrement que parrainée par la société en raison de différents facteurs, dont les droits de premier refus et l’obligation d’obtenir l’approbation de la société à l’égard de toute cession d’actions. Et puis, même lorsque la vente secondaire est parrainée par la société, la réalisation d’une telle opération comporte son lot de difficultés.

L’une de ces difficultés est le fait que les fondateurs et les employés détiennent habituellement des actions ordinaires, alors que les investisseurs souhaitent généralement acquérir des actions privilégiées. Il arrive que, dans certains cas, surtout lorsque la société est sur le point de réaliser une opération de sortie, un investisseur qui achète des actions privilégiées auprès de la société soit également disposé à acheter des actions ordinaires auprès des fondateurs et des employés, mais c’est plutôt rare.

Aux États-Unis, les ventes secondaires sont plus faciles à réaliser en raison du traitement fiscal réservé aux rachats d’actions, qui diffère de celui applicable au Canada. Au cours d’une vente secondaire « de style américain », les investisseurs souscrivent les actions privilégiées souhaitées d’abord, et ensuite la société utilise le produit tiré de ces investissements pour racheter (souvent au moyen d’« une offre publique d’achat ») les actions des actionnaires vendeurs.

Or, le régime fiscal canadien rend souvent cette structure d’opération, c’est-à-dire une vente secondaire « de style américain », inefficace. En effet, au Canada, un actionnaire vendeur reçoit généralement le montant du prix de rachat qui correspond au « capital versé » au titre des actions rachetées sans être assujetti à l’impôt. Toutefois, si le prix de rachat est supérieur au capital versé des actions rachetées, l’excédent est réputé constituer un dividende versé par la société à l’actionnaire vendeur. Ce dividende réputé est traité en tant que revenu de dividende aux fins du calcul de l’impôt de l’actionnaire et, en ce qui concerne les actionnaires non canadiens, est assujetti à une retenue d’impôt canadien. Selon les circonstances, il peut également y avoir des incidences fiscales défavorables pour la société qui demande le rachat. Il n’est donc pas avantageux sur le plan fiscal pour une société de procéder à un rachat au moyen d’une offre publique d’achat.

En revanche, lorsque les actions sont vendues à un tiers (et non à la société), l’excédent du produit de la vente sur le « coût » pour l’acquéreur sera généralement réputé constituer un gain en capital au Canada. Si le vendeur est Canadien, seulement la moitié de ce gain en capital est imposable. Le gain en capital pourrait même ne pas être assujetti à l’impôt si le vendeur est un particulier pouvant se prévaloir de l’« exonération cumulative des gains en capital ». Les particuliers qui sont des résidents du Canada ont généralement droit à des gains nets tirés de la disposition de certains biens, lesquels biens peuvent comprendre des actions de « sociétés privées sous contrôle canadien », pour autant que certains critères soient remplis. Pour 2023, cette exemption a été fixée à 971 190 $ CA, indexée en fonction de l’inflation.

Il est donc souvent plus attrayant pour un actionnaire vendeur de vendre ses actions à un tiers et, pour éviter le traitement fiscal défavorable associé à un rachat d’actions, une société peut, selon les circonstances, recourir à un mécanisme qui permettra justement aux actionnaires qui le souhaitent de faire acheter leurs actions ordinaires par un tiers et de bénéficier ainsi d’un traitement fiscal plus avantageux. Ces actions ordinaires pourront ensuite être échangées par le tiers acquéreur contre des actions privilégiées nouvellement émises.

Capital versé

Cette structure d’opération de rechange peut toutefois avoir des points faibles, dû aux règles qui s’appliquent au capital versé. Il faut en fait savoir que le capital versé est un attribut fiscal canadien fondé sur le concept de « capital déclaré » en droit des sociétés. En règle générale, le capital versé est un compte théorique qui représente les montants qu’une société a reçus dans le cadre d’une émission d’actions, pour chaque catégorie particulière. Le capital versé pour une catégorie d’actions est établi en moyenne pour la totalité des actions de la même catégorie. Dans les faits, bien qu’une société puisse rembourser le montant investi libre d’impôt, le montant disponible par action est calculé en fonction du capital versé total de la catégorie concernée, divisé par le nombre d’actions de cette catégorie. Par conséquent, l’acheteur subséquent qui aurait payé un prix plus élevé pour les actions ne bénéficierait pas de l’avantage fiscal intégral du montant qu’il a investi (s’il recevait un remboursement de capital ou si la société était liquidée), puisque le capital versé lui étant attribué serait déterminé en fonction à la fois du montant qu’il a investi et du montant inférieur investi par les investisseurs précédents.

Qui plus est, si les actions ordinaires achetées sont ensuite échangées contre des actions privilégiées, seul le capital versé initialement au titre des actions achetées (généralement bien inférieur au montant payé ensuite pour les actions achetées) est transféré au capital versé au titre des actions privilégiées. Cela signifie que le tiers acquéreur renonce au plein montant du capital versé qui aurait autrement été créé s’il avait acheté les actions directement auprès de la société.

De nombreux investisseurs (particulièrement les investisseurs non canadiens, y compris des fonds ayant des partenaires non canadiens) voudront plutôt envisager une autre structure fiscale qui leur permettrait d’obtenir indirectement, dans le cadre d’une vente secondaire, des actions dont le capital versé correspondrait au montant réellement payé lors de cette vente secondaire. Dans certaines circonstances, il est effectivement possible de parvenir à un tel arrangement. Le cas échéant, il est recommandé de solliciter des conseils juridiques et fiscaux canadiens afin de déterminer si la création d’une telle structure est appropriée dans un cas particulier.

En plus de prendre en considération les incidences fiscales et juridiques de l’opération envisagée, une société doit se poser d’autres questions pratiques, notamment à l’égard du nombre d’actionnaires qui auront le droit de participer à l’événement de liquidité et de la mesure dans laquelle ils pourront le faire.

Autres considérations

Le fait que les sociétés prennent de plus en plus de temps à devenir des sociétés ouvertes entraîne une augmentation importante du nombre de grandes sociétés fermées. L’attention grandissante portée par les investisseurs à cette tendance, combinée à la volonté accrue des actionnaires vendeurs d’obtenir des liquidités, ouvre la voie, selon l’avis général, à la mise sur pied d’un mécanisme qui serait davantage institutionnalisé que les ventes secondaires parrainées par la société et les opérations de restructuration complexes. Aux États-Unis, certains tiers élaborent des façons de créer des marchés de négociation pour les titres de grandes sociétés fermées ou d’autrement procurer de la liquidité aux actionnaires grâce à des structures de prêts. Ces options sont moins bien développées au Canada et ne constituent pas une solution couramment utilisée à l’heure actuelle. Des efforts sont toutefois déployés pour changer cette situation, notamment par certaines grandes sociétés de services financiers mondiales. Pour l’instant, les ventes secondaires parrainées par une société demeurent le chemin menant à la liquidité pour les actionnaires avant un premier appel public à l’épargne ou une acquisition visant la société.

DISCLAIMER: Because of the generality of this update, the information provided herein may not be applicable in all situations and should not be acted upon without specific legal advice based on particular situations.

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