Introduction
Le 4 novembre 2024, le gouvernement du Canada a publié un projet de règlement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (la « LCPE »). S’il est adopté, ce projet de règlement imposera des plafonds aux émissions de gaz à effet de serre (« GES ») dans le secteur de la production de pétrole et de gaz en amont et celui du gaz naturel liquéfié (« GNL ») (le Règlement sur les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier ou, aux présentes, le « projet de règlement »). Le projet de règlement, qui s’inscrit dans la même veine que le cadre réglementaire pour plafonner les émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier initialement présenté par le gouvernement fédéral en décembre 2023, propose notamment l’établissement d’un système de plafonnement et d’échange visant à réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier jusqu’à 35 % sous les niveaux de 2019 d’ici 2030-2032.
Selon le gouvernement fédéral, les plafonds d’émissions proposés inciteraient le secteur pétrolier et gazier à investir dans des stratégies de décarbonation afin d’entrainer une réduction importante des émissions de GES et permettraient une souplesse suffisante pour ne pas nuire à une croissance continue de la production dans ce secteur.
Contexte
Le projet de règlement établirait un système national de plafonnement et d’échange pour les émissions découlant d’activités prescrites, lesquelles comprennent la production terrestre et extracôtière de pétrole et de gaz; la production et la valorisation des sables bitumineux; la production et le traitement du gaz naturel; ainsi que la production de GNL. Plus précisément, il plafonnerait les émissions provenant de certaines activités exercées dans le secteur pétrolier et gazier et interdirait les émissions de GES provenant d’activités industrielles visées dans ce secteur, à moins que l’exploitant ne s’enregistre en soumettant les renseignements requis au ministre fédéral de l’Environnement (le « ministre »).
Les exploitants de toutes les installations pétrolières et gazières prescrites existantes seraient tenus de s’enregistrer auprès du ministre avant le 1er janvier 2026. Il serait interdit à tout exploitant qui n’aurait pas procédé à son enregistrement avant cette date d’émettre des GES dans le cadre de ses activités industrielles, et ce, tant qu’il ne serait pas enregistré conformément au projet de règlement. Le projet de loi prévoit par ailleurs que, parmi les exploitants visés, certains auraient des obligations de production de rapports et de remise (les « exploitants assujettis »). À compter de 2030, les exploitants assujettis, c’est-à-dire ceux qui produisent au moins 365 000 barils équivalent pétrole par année, seraient tenus de couvrir les émissions de GES produites dans le cadre de leurs activités industrielles en remettant des unités de conformité admissibles aux termes du système de plafonnement et d’échange proposé.
Les plafonds d’émissions seraient établis en fonction des données sur les émissions de GES déclarées par les exploitants du secteur pétrolier et gazier en 2026. Les plafonds d’émissions imposés à une installation pour la période de conformité 2030-2032 correspondraient à 73 % des émissions déclarées pour 2026 (pourcentage estimé de façon à correspondre à un plafond d’émissions établi à 35 % sous les niveaux d’émissions de 2019). Les plafonds d’émissions diminueraient au fil du temps pour tenir compte des changements futurs dans la production et les niveaux d’émissions.
Aux fins du projet de règlement, les émissions de GES seraient attribuées à une installation conformément aux Méthodes de quantification pour le Règlement sur les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier (les « méthodes de qualification »), sur lesquelles le gouvernement fédéral sollicite également des commentaires du public. Ces méthodes de quantification, qui s’appliqueraient à compter de 2026, définiraient les formules utilisées pour calculer chaque source d’émissions, tout en fournissant des valeurs par défaut liées au potentiel de réchauffement planétaire. Le calcul des GES attribués tiendrait compte des émissions de toutes les sources d’émissions à une installation donnée, à l’exclusion des GES résultant de la production d’électricité et du dioxyde de carbone (« CO₂ ») stocké de manière permanente. Seraient également exclues les émissions indirectes, soit la quantité de GES associée à l’énergie thermique et l’hydrogène utilisés, qu’ils soient produits sur le site ou fournis à l’installation.
Les unités de conformité admissibles qui pourraient être remises dans le cadre du système de plafonnement et d’échange proposé comprendraient les allocations, les unités de décarbonation et les crédits compensatoires; lesquels sont décrits ci-après.
- Des allocations seraient distribuées aux exploitants assujettis sur une base annuelle en ne dépassant pas le niveau du plafond d’émissions établi pour une installation donnée. La distribution des allocations serait basée sur la production historique des exploitants assujettis et le taux de distribution applicable à l’activité industrielle concernée. Pour pouvoir être remises, les unités de conformité doivent être composées de telles allocations à au moins 80 %.
- Des unités de décarbonation (lesquelles pourraient représenter jusqu’à 10 % de l’obligation de remise d’un exploitant assujetti) seraient créées par le versement de contributions à un programme de décarbonation, contributions qui seraient utilisées pour financer des projets de réduction des émissions de GES provenant du secteur pétrolier et gazier.
- Les crédits compensatoires (lesquels pourraient représenter jusqu’à 20 % de l’obligation de remise d’un exploitant assujetti) seraient ceux émis aux termes du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre et les crédits compensatoires provinciaux reconnus pour utilisation aux termes du Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement (c.-à-d. les crédits compensatoires reconnus en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre - consultez notre Bulletin Blakes de juin 2022 intitulé Entrée en vigueur du Règlement sur le régime canadien de crédits compensatoires concernant les gaz à effet de serre pour de plus amples renseignements à ce sujet).
Principaux points à retenir
Aux termes du projet de règlement :
- Des allocations seraient distribuées aux exploitants assujettis dans le cadre du système de plafonnement et d’échange pour chaque installation de ces derniers, selon une valeur correspondant à 73 % de la totalité des émissions de GES de chacune de ces installations pour 2026.
- Les allocations seraient transférables entre les exploitants.
- Les unités de décarbonation ne seraient pas transférables.
- Le système de plafonnement et d’échange permettrait la « reconnaissance croisée » des crédits compensatoires afin de respecter les obligations de remise prévues dans le projet de règlement ainsi que les obligations concomitantes prévues dans les régimes fédéraux ou provinciaux de tarification du carbone. Il est attendu qu’Environnement et Changement climatique Canada (« ECCC ») dresserait une liste des systèmes de tarification du carbone pour lesquels la reconnaissance croisée est autorisée. La reconnaissance croisée au fédéral serait mise en œuvre au moyen de modifications au Règlement sur le système de tarification fondé sur le rendement. La reconnaissance croisée au provincial reposerait sur les modifications que pourrait apporter une province à son propre système de tarification du carbone ainsi que sur la conclusion d’une entente de reconnaissance avec le ministre.
Périodes de conformité
Les périodes de conformité dureraient trois années civiles chacune, la première période de conformité s’étendant du 1er janvier 2030 au 31 décembre 2032. Les exploitants assujettis seraient tenus de remettre une unité de conformité pour chaque tonne de GES que leurs installations émettent pendant une période de conformité donnée au plus tard le 31 janvier de l’année qui tombe treize mois suivant la fin de cette période de conformité.
Les exploitants assujettis seraient également visés par une obligation de remise partielle, les obligeant à remettre des unités de conformité équivalant à au moins 30 % des GES attribués pour la première année et la deuxième année de la période de conformité.
Production de rapports
La prise d’effet des plafonds d’émissions et du système de plafonnement et d’échange se ferait progressivement sur une période de quatre ans, soit de 2026 à 2029. Pendant cette période, les exploitants seraient tenus de produire chaque année civile des rapports annuels vérifiés sur leurs émissions et leurs niveaux de production et de transmettre ceux-ci à ECCC. Aux termes du projet de règlement, les grands exploitants (soit les exploitants qui ont par ailleurs déclaré leurs émissions à une autorité canadienne de réglementation de l’énergie et qui ont eu une production cumulative mensuelle totale au cours de l’un des mois compris entre janvier 2024 et juin 2025, égale ou supérieure à 30 000 barils équivalent pétrole, ou dont les émissions de GES de l’une de leurs installations devaient être déclarées en 2024 aux termes d’un avis publié par le ministre en application du paragraphe 46(1) de la LCPE) commenceraient à produire des rapports sur leurs émissions et leurs niveaux de production en 2027 en fonction de leurs émissions et de leurs niveaux de production de 2026. Les petits exploitants (soit les exploitants qui ne répondent pas aux critères des grands exploitants) commenceraient à produire des rapports sur leurs émissions et leurs niveaux de production en 2029 en fonction de leurs émissions et de leurs niveaux de production de 2028.
Les exploitants seraient tenus de remettre deux types de rapports; c’est-à-dire un rapport pour chaque installation visée par le projet de règlement et un rapport comprenant la production cumulée d’un exploitant pour l’ensemble de ses installations.
Après la première période de déclaration, tous les exploitants seraient tenus de continuer à produire des rapports chaque année civile au cours de laquelle des GES sont émis par suite d’une activité industrielle menée à leur installation. ECCC utiliserait ces rapports pour identifier les exploitants devant être assujettis à des plafonds d’émissions et, par conséquent, à des obligations de remise.
Prochaines étapes
Les plafonds d’émissions s’ajouteraient ainsi à la liste de plusieurs mesures réglementaires qui ont été mises en œuvre ou proposées par le gouvernement fédéral dans le but d’engendrer une réduction des émissions de GES, notamment le système de tarification fondé sur le rendement en vertu de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, le Règlement sur les combustibles propres, le projet de règlement sur la réduction des rejets de méthane et le Règlement sur l’électricité propre. Pour une analyse détaillée des mesures réglementaires mentionnées précédemment, consultez le Bulletin Blakes d’avril 2021 intitulé Répercussions de la constitutionnalité de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, le Bulletin Blakes de juillet 2022 intitulé Le gouvernement du Canada finalise le Règlement sur les combustibles propres, ainsi que le Bulletin Blakes d’août 2023 intitulé Le Canada sollicite des commentaires sur un projet de règlement sur l’électricité propre.
Le document d’information qui accompagne le projet de règlement indique que les plafonds d’émissions proposés sont alignés sur des réductions techniquement réalisables, lesquelles sont fondées sur l’évaluation du gouvernement fédéral des technologies de réduction qui, de l’avis de ce dernier, pourraient réellement être déployées dans le secteur pétrolier et gazier d’ici 2030-2032. Bien qu’il reste à voir si les plafonds d’émissions pourront être respectés grâce au déploiement de ces technologies de réduction, le projet de règlement relèvera encore d’un cran la complexité des exigences liées à la réduction des émissions applicables au secteur pétrolier et gazier.
Il est possible de soumettre des commentaires au sujet du projet de règlement du 9 novembre 2024 au 8 janvier 2025. Le gouvernement fédéral prévoit de publier la version définitive de ce règlement plus tard en 2025.
Pour en savoir davantage sur ce projet de règlement, communiquez avec un membre de notre groupe Environnement.